SCIENCE ET ÉVOLUTION
Par Michel Myara
Il est toujours instructif de réfléchir, penser et méditer sur l'apport des connaissances scientifiques à travers l'histoire de l'humanité, sous toutes les latitudes, les époques charnières, et des impacts positifs ou non que cela a eus dans la vie quotidienne de l'homme. Le premier constat est que la pensée humaine ne peut plus faire abstraction de l'évolution des connaissances dans sa recherche du sens de l'existence. Si la science n'explique pas tout, elle apporte des informations incontournables qui ne peuvent pas être ignorées, ni rejetées.
D'emblée, il est important d'accepter de ne pas tout savoir et de ne pas inventer de réponses là où nous n'en avons pas. Il faut toujours être un vivant point d'interrogation et avoir l'état d'esprit d'accueillir des idées nouvelles, même si celles-ci vont à l'encontre de nos propres idées ou croyances. Un comportement sectaire et dogmatique conduit aux pires dérives et à ses avatars que sont le fanatisme, l'intolérance et la xénophobie, et dont les répercussions désastreuses ébranlent les sociétés jusque dans leurs fondements. L'onde de choc du fanatisme provoque un tsunami planétaire avec pour conséquences des replis communautaires, des haines exacerbées et des bouleversements sociétaux inéluctables.
Avec Internet et les technologies de l'information et de la communication, la conscience humaine est devenue planétaire. Une information peut aujourd'hui être envoyée et partagée par tous, sur toute la surface de la Terre, en instantané : nouveaux outils, nouveaux concepts, nouvelle adaptation et surtout nouvelles responsabilités. L'évolution, de nos jours, ne se mesure plus en millions d'années ni même en milliers d'années : elle se décline en jours, presque en heures. Et dire que l'homme est un nouvel arrivant dans l'Univers !
Le but de toute recherche, qu'elle soit philosophique, scientifique, théologique ou autre, est de mieux nous situer par rapport au monde qui nous entoure et dont nous faisons partie. Chacun d'entre nous, à sa façon, essaie de trouver des réponses personnelles aux grandes questions existentielles qui préoccupent l'humanité depuis sa naissance. De par ses découvertes, la science apporte à ces interrogations un éclairage particulier et une nouvelle méthodologie d'approche. Et principalement dans notre rapport au temps et à l'espace, la science nous oblige à une remise en cause de la durée de vie d'une existence humaine vis-à-vis de l'âge de l'Univers et de la place qu'occupe la Terre dans l'immensité du cosmos, dont il est impossible de faire l'impasse.
Certes, il est des questions auxquelles la science ne peut répondre et ne prétend même pas répondre. Elle apporte cependant des éléments fondamentaux et essentiels dans notre quête du sens de l'existence, que la pensée humaine ne peut ignorer ni éluder. Pour comprendre tous ces enjeux, il convient, tout d'abord, de replacer notre histoire dans une échelle temporelle qui va nous permettre de nous restituer à notre juste place.
La grande histoire cosmique et humaine
Notre Univers, et ce mot comprend l'ensemble, incroyablement foisonnant, des objets célestes qui nous entourent et qui forment la voûte céleste — étoiles, planètes, comètes, étoiles filantes, galaxies — a eu un commencement dont l'origine remonte à 13,8 milliards d'années. Notre Univers n'a donc pas toujours existé. C'est là une information surprenante et déroutante, dont seule notre génération actuelle a connaissance aujourd'hui. La Terre elle-même a eu un commencement. Elle est née à partir de résidus d'explosions de certaines étoiles, il y a 4,5 milliards d'années. Et l'humanité, du moins celle dont nous connaissons un peu l'histoire, quand est-elle née véritablement ?
Notons tout d'abord que la Terre est apparue plus de huit milliards d'années après la naissance explosive de notre Univers, que les cosmologistes et les astrophysiciens appellent le Big Bang : une manière imagée de signifier un début chaotique et unique dans une gerbe de chaleur et de lumière sans équivalent. Les brèves informations précédentes sont donc majeures et essentielles. Mais comment peut-on affirmer avec autant de certitude, que l'Univers est né il y a 13,8 milliards d'années, et la Terre il y a 4,5 milliards d'années ? N'y aurait-il pas beaucoup de présomption dans ces affirmations ? Attendons-nous, pourtant, à des affirmations encore plus étonnantes.
D'après les paléontologues, les géologues et les anthropologues, les premières traces et les premières bribes de ce que l'on pourrait nommer l'homme apparaissent, selon différents avis, il y a entre trois et six millions d'années : un homme essentiellement nomade, chasseur et cueilleur, en lutte permanente contre un milieu hostile. Cet embryon d'humanité apparaît donc près de 4,5 milliards d'années après la naissance de la Terre. Autant dire que l'homme est un tout nouvel arrivant dans la grande histoire cosmique et humaine.
L'un des premiers tournants majeurs dans l'histoire récente de l'homme est qu'il va apprendre, par des bribes de langages, puis par des sons plus élaborés, à communiquer avec ses congénères. Ainsi, l'expérience et les acquis peuvent commencer à se transmettre. C'est un moment décisif : le Big Bang biologique. Occultons volontairement le fait que de passer d'une position à quatre pattes à la position debout est aussi un événement essentiel, car ceci est un autre débat.
L'homme, pendant longtemps, est dans une posture de survie. Il lui faut s'adapter en permanence dans ce monde qu'il découvre et dans lequel, il faut bien le dire, il n'est pas encore apte à s'installer durablement. De fait bien des espèces se succéderont, et seule la plus à même de s'acclimater survivra : c'est la dure et impitoyable loi de la nature qui ne permet la survie que des plus résistants. Aujourd'hui, nombre d'humains vivent confortablement dans des villes et des foyers douillets, jouissant d'un confort qui leur procure une certaine quiétude et une relative sérénité. Ils sont exemptés de travaux pénibles, et de la corvée de trouver par leurs propres moyens l'eau et la nourriture nécessaires à leur survie.
Poussières d'étoiles
L'homme a domestiqué l'énergie primordiale originelle, celle précisément issue du Big Bang. Aussi troublant que cela paraisse, l'homme ne crée pas d'énergie : il ne fait que la transformer. La matière primordiale des étoiles est l'hydrogène. Cela tombe bien, de l'hydrogène, il y en a à profusion, grâce au Big Bang. La gravité va se charger de sculpter et comprimer ces immenses étendues de gaz qu'on appelle des nébuleuses. En forçant ces nuages à se contracter, la gravitation va les contraindre à produire de la chaleur. Sous l'effet combiné de la chaleur et de la pression, un astre se dessine qui émet de la lumière. Puis un jour, alors qu'il est soumis à des pressions titanesques en son cœur, s'allument des réactions nucléaires : la chaleur ainsi produite va pouvoir s'opposer efficacement à la pression gravitationnelle. Ce corps chaud, enfin stable, est une étoile. Notre Soleil est simplement une étoile parmi des milliards et des milliards d'autres étoiles d'une galaxie que l'on nomme la Voie Lactée.
Si la vie a pu un jour apparaître sur Terre, elle le doit d'abord aux étoiles, mais pas n'importe lesquelles : les étoiles de première ou seconde génération, celles qui se sont directement formées après la naissance de l'Univers, et surtout de taille et de masse suffisantes pour pouvoir générer en leur sein des éléments lourds, bien au-delà du fer, comme le mercure, le platine, l'or et l'argent, etc.. Puis, ces éléments une fois générés, l'étoile les dispense dans le milieu interstellaire en explosant de manière spectaculaire et grandiose. Ainsi ensemencé, ce milieu interstellaire va engendrer d'autres étoiles qui se nourriront de tout cet apport d'éléments nouveaux et entameront un nouveau cycle de création.
Ce que les alchimistes ont rêvé de faire pendant des siècles, les étoiles le réalisent à chaque instant : elles transmutent les éléments, du plus léger vers les plus lourds et complètent ainsi la liste de tous les atomes, telle que le chimiste russe Dimitri Mendeleïev l'a dressée dans son fameux tableau, la Classification Périodique des Éléments. Dans la fournaise de leur propre destruction, les étoiles massives produisent les germes de la vie future. Pendant huit milliards d'années les usines stellaires vont poursuivre leur œuvre créatrice. Quelle ascendance ! Savoir que nous sommes des poussières d'étoiles nous reconnecte avec le cosmos et nous offre une prestigieuse filiation quasi inespérée.
Quand la Terre se forme, les deux tiers de l'histoire de l'Univers se sont déjà écoulés. C'est le temps nécessaire qu'il a fallu pour que les premiers éléments de matière soient éjectés des étoiles supernovæ et concourent à la formation de la Terre, puis quatre milliards d'années plus tard, à l'apparition de la vie.
Quand la Terre était encore relativement jeune, un planétoïde de la taille de Mars est venu la percuter. Les débris de cette collision se sont dispersés dans l'espace et se sont ensuite agrégés pour former la lune. Depuis ce temps, la Terre est inclinée sur son orbite, ce qui engendre le mécanisme des saisons. La Lune joue un grand rôle dans la stabilisation de la Terre. Elle l'empêche de trop osciller et de subir de grands changements climatiques.
La Terre à ses débuts est un endroit totalement inhospitalier. Elle est soumise à des rayonnements cosmiques très destructeurs, à des bombardements permanents de météorites et surtout, sa surface est de la lave en fusion. La vie sur Terre, nous la devons à l'eau. Les trois quarts de notre planète sont recouverts d'eau. Mais d'où provient toute cette eau ? Dans sa banalité même, l'eau est un corps singulier. Elle est ce qu'il y a de plus courant sur Terre. Sans eau, aucune vie n'est possible. C'est l'eau qui a modelé et façonné la Terre. Il fut un temps, il y a de cela quatre milliards d'années, où l'eau recouvrait toute l'étendue de la Terre. Cette eau est celle qui était contenue dans les roches primitives qui ont contribué à façonner la Terre. Quand les conditions sur Terre sont devenues favorables, cette eau a été libérée et il a plu sur la Terre pendant des millions d'années : un véritable déluge avant l'heure. Toute l'eau actuellement sur Terre est issue de cette eau primordiale. Toute la mécanique atmosphérique ne fait que recycler cette eau des origines.
Histoire biologique
Il y a trois milliards huit cents millions d'années, sous la surface des océans primitifs, une révolution s'est mise en marche. Six éléments simples dont l'Hydrogène, l'Oxygène, le Carbone et l'Azote (N) vont se combiner pour former l'ADN, le fameux code génétique que l'on trouve à l'intérieur de chaque cellule. Sept cents millions d'années après la formation de la Terre, la vie entre en scène. Les bactéries se forment, qui sont de simples cellules organiques procaryotiques. Ces organismes unicellulaires sont les plus vieux habitants de la Planète. Notre corps est un véritable zoo de bactéries : de quoi nous rendre modestes.
Plus on exploite l'énergie et plus on devient un être complexe. La quasi-totalité de l'énergie que nous consommons vient du Soleil. Le premier maillon de la chaîne énergétique puise sa source dans la photosynthèse, de laquelle est issu l'oxygène, sans lequel aucune vie ne serait possible. Cet oxygène est à l'origine de la couche d'ozone qui protège la Terre des rayonnements nocifs de l'espace.
Parfois l'évolution est marquée par des à-coups spectaculaires. L'Explosion Cambrienne, qui en fait partie, désigne l'apparition soudaine, à l'échelle des temps géologiques, d'anatomies entièrement nouvelles qui préfigurent déjà les grands groupes d'animaux actuels, par exemple les phylums tels que les arthropodes et les vertébrés. Cet événement évolutif sans précédent, attesté par de nombreuses données paléontologiques et moléculaires, marque un tournant décisif dans l'évolution de la vie sur notre planète. Son apogée semble culminer entre 520 et 540 millions d'années. Bien que spectaculaire et brusque au niveau de l'enregistrement fossile, l'Explosion Cambrienne ne représente pourtant que l'ultime étape d'un long processus évolutif amorcé dès le Précambrien (Néoprotérozoïque), et doit donc être replacée dans un cadre plus large. Le protérozoïque est une échelle de temps géologique qui s'étend de — 2,5 milliards d'années à — 540 millions d'années.
L'apparition de la vie sur Terre n'a pas été un long fleuve tranquille. De grandes extinctions de masse ont jalonné une histoire tumultueuse et pleine de rebondissements. Toutes les formes de vie qui sont apparues sur Terre et ont disparu ont laissé des traces fossilisées. L'histoire de la Terre se lit dans les roches, et notamment dans les strates sédimentaires constituées d'argiles, de calcaires et autres grès qui préservent les traces de vie disparue sous forme de fossiles : graines et pollens, coquilles et plancton, ossements, voire squelettes entiers. Lors des premières recherches, une constatation choqua les chercheurs : dans certains cas, d'une couche à la suivante, il y avait disparition totale de nombreuses espèces, remplacées par de nouvelles variétés distinctes des précédentes.
Le renouvellement majeur des fossiles est appelé une « extinction de masse ». Les paléontologues ont découvert que la première correspond à la fin d'une époque appelée Ordovicien, il y a 440 millions d'années, lorsque la vie était encore cantonnée dans les mers : nombre d'espèces de trilobites, planctons et coraux ont périclité en un bref intervalle de temps, probablement moins de 500 000 ans. Tout aussi spectaculaire est la grande extinction de la fin du Dévonien, entre 370 et 360 millions d'années, quand les espèces sont à nouveau décimées, apparemment en plusieurs vagues successives. Le plancton et les écosystèmes coralliens sont le plus durement touchés, de même que les trilobites, les brachiopodes et les poissons primitifs.
Suit une longue période de rétablissement de la biosphère marine et terrestre (diversification des amphibiens et des premiers reptiles), qui ne connaît pas de bouleversements majeurs jusqu'au coup d'arrêt d'une nouvelle extinction de masse, il y a 252 (de 252.3 à 251.4) millions d'années. Cette grande extinction de la fin du permien voit la disparition de toutes les espèces marines et terrestres, y compris de la grande majorité des amphibiens et des reptiles.
Les couches géologiques de la fin du permien ne comprennent aucun fossile. Absolument aucun signe de vie n'est visible dans la zone géologique qui fait suite à l'extinction de masse. Aucun témoin de la vie n'est découvert dans cette zone. Pas de plantes, pas de résidus animaliers. Peter Ward, de l'Université de Washington, raconte que l'on passe d'une couche très riche à une couche biologiquement désertique. Dans toute l'histoire de la Terre, il n'y a pas de trace d'une autre catastrophe aussi dévastatrice. 57 % de toutes les familles et 95 % de toutes les espèces marines et terrestres disparaissent. Dans le milieu terrestre en pleine expansion, une bonne moitié des amphibiens succombent. Quant aux reptiles qui venaient de connaître une belle expansion en cette fin de l'ère Primaire, 89 genres sur 90 sont exterminés, et il leur faudra repartir à zéro pour reconquérir tous les continents. Les insectes connaissent aussi le massacre. Le tiers des espèces disparaissent, un second tiers ne survivant qu'avec des populations très réduites. Cette extinction est de loin plus importante que celle qui fait disparaître les dinosaures, où ne s'éteignent que 65 % des espèces vivantes.
Pendant 160 millions d'années les dinosaures règnent sur Terre. La Terre est alors recouverte par une végétation extraordinairement luxuriante. Pendant ce temps la Lune stabilise la rotation de la Terre : le jour dure maintenant 24 heures. Les terres émergées sont constituées d'un seul bloc appelé Pangée. Mais déjà les prémices de la dislocation des continents se font sentir. La dérive des continents est un fait avéré.
Apparition de l'homme, civilisation, écriture et nombres
Rapportons tout ce qui s'est déroulé sur 4.5 milliards d'années en vingt-quatre heures. L'homme arrive à la dernière seconde. Toute l'histoire de la civilisation tient en moins d'une seconde. Dans cet instant fugace l'homme a plus bouleversé, transformé, façonné, modifié son environnement que tout ce qui s'est déroulé pendant des millions d'années. Parmi les événements les plus marquants des anciennes civilisations figure l'invention de l'écriture et du calcul, chez les Sumériens, les Babyloniens, les Phéniciens, les Égyptiens, civilisations prestigieuses du Proche et du Moyen-Orient. Avec l'écriture, l'homme peut graver dans le marbre ou dans la pierre, sur des tablettes d'argiles, des tessons de poterie, ou inscrire sur des papyrus, tout à la fois de hauts faits d'armes, des actes de la vie quotidienne, des lettres diplomatiques et même des choses tout à fait banales. L'écriture est portée à un tel niveau de perfection et d'exigence, qu'on croit en une origine divine, et que les plus grandes religions monothéistes sont nommées « religions du Livre ».
Avoir bâti tout un système complexe d'écriture et mis au point un moyen puissant de représenter et manipuler les nombres comptent parmi les plus grandes réalisations de l'humanité. Ces réalisations sont à l'origine du monde moderne. Sans les nombres, point de mathématiques ; sans les mathématiques aucune découverte d'importance n'aurait pu véritablement éclore. L'invention des nombres a changé la face du monde. Une question de nombres vaut parfois autant qu'une question de systèmes du monde. Les nombres permettent d'écrire les plus belles pages du livre des merveilles
qu'est la Science.
La Science est une et universelle. Son langage s'adresse à tous et transcende les générations, les religions, les cultures et les individus. Elle a notamment permis à Isaac Newton de formuler la loi de la Gravitation Universelle : une seule et unique loi pour gouverner et ordonner le cosmos tout entier. Cette loi harmonise l'ensemble des phénomènes célestes et terrestres : la mécanique céleste englobe la mécanique terrestre. Le monde terrestre est de même nature que le monde céleste : ce sont les mêmes lois qui agissent sur Terre comme au ciel. La Terre, de fait, perd sa position privilégiée en tant que centre présumé de l'Univers. Dans l'immensité des cieux, la Terre ne peut même pas être comparée à un atome de matière ; dans l'immensité du temps, notre existence est tout simplement dérisoire. Mais grande est la vanité de l'homme qui s'est longtemps cru le centre de l'Univers. Aujourd'hui, la découverte d'un nombre incroyable d'exoplanètes autorise à penser que la découverte probable, d'ici peu pourquoi pas, d'une civilisation extraterrestre, n'est plus une utopie.
Télécommunications, ordinateurs, industries, appareils ménagers, voitures, transports, vols spatiaux, instruments, tous ces rejetons de la science n'auraient jamais vu le jour si les nombres n'avaient pas été inventés. Et un système domine tous les autres : la « numérotation décimale de position ». On oublie trop souvent que c'est au terme d'une très longue histoire, tout en rebondissements, en inventions, régressions, oublis, rencontres, voire juxtaposition de systèmes différents provocant finalement l'étincelle du génie créateur, que ce système a été acquis (1). Mais ce système, si justement apprécié et valorisé, est-il vraiment le nec plus ultra, l'aboutissement idéal, en bref le système parfait ? Aussi surprenant que cela paraisse, la réponse est oui. Notre numérotation de position constitue un système parfait, achevé, parce qu'elle est la plus économe en signes et qu'elle permet de noter rationnellement n'importe quel nombre, si grand soit-il. C'est aussi la plus efficace possible, puisqu'elle permet à tout le monde de faire de l'arithmétique (2).
L'invention et la démocratisation de notre numérotation de position ont eu sur les sociétés humaines des conséquences incalculables, car elles ont facilité l'explosion de la science, des mathématiques et des techniques. Elles ont permis en particulier l'amorce et le développement de la mécanisation du calcul arithmétique et mathématique. L'imagination et la capacité d'innovation de l'esprit humain sont sans limite. Confrontés à des situations mathématiques où les nombres réels n'ont pas leur place, les mathématiciens ont inventé les nombres dits « imaginaires ». Le nombre imaginaire dont le symbole est i, a la particularité d'avoir son carré égal à —1. Il permet de construire le corps des nombres complexes et d'écrire les plus belles et les plus fécondes formules mathématiques. Ce nombre domine la physique mathématique et les sciences de l'ingénieur. Sa richesse et sa fécondité dans pratiquement tous les domaines scientifiques est un perpétuel sujet d'étonnement. La physique quantique, notamment, se nourrit abondamment des nombres imaginaires.
Que dire alors de ce monstre qu'est l'infini ? À l'évocation de ce mot subjuguant, un vertige métaphysique trouble notre équilibre mental. Notre cerveau n'a pas la capacité de se représenter mentalement ce qu'est l'infini en acte. L'infini du temps et de l'espace sont des notions véritablement transcendantes qui dépassent nos capacités cognitives de représentation. Et pour bien enfoncer le clou, un mathématicien, Georg Cantor, a montré qu'il existe une hiérarchie dans les infinis, autrement dit qu'il existe des infinis plus grands que d'autres !!!
Le pouvoir humain
Depuis son apparition, l'être humain se caractérise par le fait qu'il met les forces de la nature au service de son épanouissement, de sa survie et de sa domination sur les autres espèces vivantes, en découvrant les lois correspondantes par son action sur son environnement. Si l'on peut établir une hiérarchie qui a du sens entre l'homme et les créatures animales et végétales, il est beaucoup plus difficile pour ne pas dire impossible d'en établir une entre les hommes eux-mêmes.
Il convient de rappeler avec force que « l'homme est inégal à l'homme », mais qu'« une race n'est pas inégale à une autre, encore moins un peuple à un autre peuple ». Aucun argument scientifique n'accrédite une justification d'hégémonie de l'homme vis-à-vis d'autres hommes. L'eugénisme par exemple, que des théories fallacieuses et nauséabondes ont mis en exergue à des époques extrêmement troublées, n'a pas de fondement scientifique. Le droit à la différence que les hommes nourrissent pour eux-mêmes est un droit légitime mais qui n'est, en aucune façon, un argument d'autorité pour justifier une quelconque supériorité d'un individu sur un autre.
Notre civilisation doit faire face à de grands défis : réchauffement climatique, montée en puissance des intégrismes, crise identitaire, chômage endémique, insécurité notoire, incertitude du lendemain. Si nous prenons le temps de réfléchir, un tant soit peu, sur les transformations qu'a subies notre société depuis ses origines, et si on compare ces transformations à celles opérées depuis plus d'un siècle, le bouleversement est sans commune mesure.
La conquête du feu, la taille du silex, la métallurgie du plomb, de l'étain, de l'acier, l'invention de la roue, la fabrication d'armes à longue portée, le principe du levier pour les très lourdes charges, le décuplement de la force humaine par les machines, la lecture des constellations et des phénomènes célestes pour la navigation maritime, le lever héliaque des étoiles pour établir la comptabilité du temps et repérer les grands cycles de la nature : tout cela a façonné nos sociétés depuis les origines.
La conquête de l'atome, les machines à vapeur, le train, l'électricité, la voiture, le monde industriel, le passage du monde rural au monde urbain, l'eau courante et aussi tout le potentiel destructeur dont un arsenal nucléaire impressionnant, les télécommunications, les ordinateurs personnels, les téléphones portables, l'utilisation d'une quantité impressionnante de logiciels sont parmi les réalisations de l'homme qui datent de moins de cent cinquante ans. Il en est de même pour la conquête de l'air et de l'espace, la visite des planètes proches et lointaines par les sondes spatiales, l'astronomie, l'astrophysique, les théories cosmologiques et la théorie du Big Bang, avec son corollaire le plus déroutant, la recherche du commencement de l'Univers, c'est-à-dire d'une origine commune à tout ce qui existe.
L'exploitation à outrance des ressources naturelles, l'accumulation des déchets de toute sorte, notre soif jamais assouvie de toujours consommer plus, notre insatisfaction chronique, notre fuite en avant permanente sont autant de vecteurs de notre mal-être et de nos comportements agressifs. Ils sont les effets pervers des agissements humains, le plus souvent pour répondre à des besoins immédiats et à court terme, sans penser aux conséquences à plus long terme.
Quel regard porter sur tout cela ? L'homme est bien la mesure de toute chose. Cet adage n'a pas changé depuis des siècles et il ne fait que s'affirmer au cours du temps. Tout est dualité dans la vie, et l'humanité ne fait que récolter ce qu'elle a semé tout au long de son histoire. Toute médaille a son revers, toute découverte une finalité mal employée. Ce qui est stupéfiant, c'est qu'à peine arrivé sur le théâtre de la vie et de la conscience, à peine après avoir conquis et domestiqué son environnement, l'homme est aujourd'hui dans une situation de quasi survie. Certes, la Terre a déjà subi par le passé de grandes catastrophes ; des espèces entières ont disparu et l'apparition de l'espèce humaine tient quasiment du miracle : mais si l'humanité venait à disparaître, il n'est pas dit que le miracle se répète.
Notre responsabilité est autant individuelle que collective.
Notes
(1) et (2) : Histoire Universelle des chiffres,
Georges Ifrah.

Revue Rose+Croix - Automne 2017
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